Éclectique est sûrement le mot qui lui colle le mieux à la peau. Joe Jackson aime l’audace, alors il a décidé de l’incarner, osant s’aventurer sans crainte sur des territoires qui lui semblaient interdits. Sa marque de fabrique : surprendre, encore et toujours.
« Je n'ai jamais essayé d'être à la mode, dans l'air du temps, car c'est la meilleure façon d'être vite démodé ». Est-ce donc son secret pour épouser l’intemporel ? Sûrement. Car Joe Jackson a touché à tout, décoiffant le pays des jazzmen avec sa pop qui prend racine dans le punk et la new-wave. Sorti glorieux d’une enfance malade, où les livres et les vinyles étaient ses seuls réconforts, l’enfant de Burton, dans les West Midlands, a passé sa vie à rechercher l’honnêteté absolue et à se réinventer sans cesse.
« Dès que je sens que ça sonne comme quelque chose que j’ai déjà fait, je le détruis », dit-il parfois, comme une réponse à ceux qui bouillent de ne pouvoir réellement le cerner. Malin ou complètement pommé sera celui qui osera lui coller une étiquette dans le dos, tant ce timide charismatique porte une discographie aux milles nuances. Ses albums surprennent, déboussolent même.
Il est comme ça, l’ami Joe Jackson : impossible à mettre en cage, car libre comme l’air, et parfois incompris, car d’avant-garde. Est-ce d’ailleurs ça, le propre d’un génie ? Probable. Aujourd’hui, en tout cas, depuis Berlin, où il a posé ses valises, le prince audacieux de la pop espiègle continue de flanquer de nouvelles couleurs sur l’œuvre délicatement bariolée de sa vie. Oui, il a la classe, Joe, comme incarnant l’élégance avec finesse d’esprit et de corps.
Cette année-là, au milieu d’une scène musicale britannique imbibée de l’état d’esprit du punk, Joe Jackson fait irruption avec deux albums d’exception : Look Sharp! en janvier, puis I’m the Man en octobre. Il devient alors l’un des maîtres de la new wave, jouant des coudes avec Elvis Costello, Ian Dury, voire même David Bowie.
Joe Jackson est un audacieux, et oser devient sa raison d’être et de vivre. Alors qu’il est adulé par la presse et le public anglais, l’homme de Burton tente un premier coup de maître, en s’aventurant sur les terres cosy du jazz. Il sort alors Joe Jackson's Jumpin' Jive, un hommage aux plus grands jazzmen du siècle, dont Louis Jordan ou Cab Calloway. C’est sa première rupture avec la pop, devenue selon lui trop commerciale et qu’il n’hésite pas à bousculer lors de ses interviews.
Si vous cherchez Joe Jackson quelque part, regardez ailleurs. Car il est toujours là où ne l’attend pas. En témoignent ses disques instrumentaux, dont Night Music (1994) et Heaven and Hell (1997). Il démontre alors qu’il est un compositeur à part entière, comme le fruit de son passage à la Royal Academy of Music de Londres, lorsqu’il était plus jeune.
Il l’avait délaissée un temps, mais Joe Jackson l’aime toujours autant, malgré ses quelques déclarations à la presse : il renoue donc avec la pop, celle qui l’avait mené aux sommets à la fin des années 1970. Il présente alors Night and Day II, sur lequel apparaît, notamment, la sublime Marianna Faithfull.
« Joe Jackson ne lâche rien ». C’est avec cette titraille que le magazine Rolling Stone introduit Fool, le nouvel album du virtuose anglais. Encore une fois, sur le plan artistique, le disque est un véritable petit bijou des temps modernes. En effet, l’homme de Burton entretient avec brio un esprit pop-jazzy, comme une courte mais époustouflante synthèse de sa carrière.