Avec Elton John, tout est pop : la vie, l’amour, la mélancolie. Depuis la fin des sixties, le surdoué de Pinner, discrète ville du Middlesex, foule la pelouse d’une romance excentrique. Piano enflammé, costumes insolites, funny glasses sur le pif : depuis toujours, l’anglais casse les codes.
Elton John est un contraste permanent. Showman en quête perpétuelle de confiance en soi, ce perfectionniste invétéré, excentrique timide et précurseur de la cause LGBT, oscille depuis des lustres entre couleurs vives et noirceur enfouie. Sa gloire a toujours caché un orage intérieur, sa joie de vivre, une accumulation de doutes. C’est sûrement cette ambivalence du quotidien qui a poussé ce britsh à la voix royale, Michel-Ange de la pop, à gravir les sommets sans se retourner.
Car pour Elton John, jouer est une raison de vivre. Sa grandiloquence, son extravagance, ses peurs : derrière chaque bijou de sa discographie, l’artiste, généreux et engagé, lève le voile sur sa personnalité complexe et ses sentiments tortueux. Sa démesure comble ses incertitudes. Son hyper-sensibilité cajole sa pudeur. Même ses costumes kitsch traduisent une vengeance : celle d’un jeune adolescent longtemps obligé de porter des fringues ternes. C’est donc presque un réflexe salvateur : face à son ombre, Elton dégaine toujours sa boulimie créative, entre douces ballades et sonorités survoltées.
Alors, qu’on se le dise : ce mélodiste hors-pair, pianiste d’exception et amoureux indéfectible de Little Richard, n’a pas vendu plus de 300 millions de disques par hasard. Il a ce don, celui d’électriser les foules et de faire valser les stades. Ainsi, avec son parolier et ami de toujours, l’Anglais Bernie Taupin, Elton John écrit sa légende, mettant un point d’honneur à colorer sa vie tumultueuse, marquée par des périodes d’excès et de chutes. Son obsession : la rendre la plus pop et fédératrice possible. Car Elton John est un grand, Elton John est un géant.
Ce jour de juin, Elton John, jeune inconnu de Pinner, ouvre le New Musical Express, le journal musical de Londres. Une petite annonce va changer sa vie : Bernie Taupin, sculpteur de mots, cherche un compositeur pour donner vie à ses textes. C’est le début d’une longue amitié, et d’une aventure hors de toute espérance. Les deux compères ne se quitteront plus !
Quelques mois après la sortie d’Empty Sky, son premier album, Elton John triomphe. La machine est lancée, et les tubes s’enchaînent à la vitesse de l’éclair, avec deux albums tonitruants en 1971 et 1972 : Tumbleweed Connection et Madman Across the Water. Elton John compose à un rythme soutenu et rafle les premières positions des charts. Rocketman a décollé !
Elton John, qui enchaîne les chefs d’œuvre et les succès planétaires, est le premier artiste occidental à organiser une tournée en URSS. À sa manière, il contribuera à écrire l’Histoire, en faisant se rencontrer deux mondes diamétralement opposés. « Pour la première fois, une star de la musique anglo-saxonne rencontrait le public russe, plutôt habitué dans ce domaine, aux cassettes pirates ou aux émissions captées sur des postes étrangers », écrivent alors les journalistes de l’époque.
Ami de toujours de la princesse Diana, autre icône prise au piège d’une notoriété excessive, sa mort laisse un vide immense dans le coeur du chanteur, superstar mondial qui représente alors à lui seul 2% de l’industrie du disque. Pour lui rendre hommage, il reprend son titre Candle In The Wind, écrit en 1973 en l’honneur de Marilyn Monroe qui connaîtra de nouveau un succès colossal.
C’est inédit : pour la première fois, les plus grands artistes se retrouvent au Wembley Stadium, à Londres, pour participer au concert caritatif Live Aid. Objectif : lever des fonds pour soulager la famine qui prédomine en Éthiopie. Elton John décide naturellement de contribuer au mouvement et de faire briller sa pop au profit de la bonne cause. Il se présente devant une foule des grands soirs, pile entre The Who et Freddie Mercury.
« Jésus aurait été pour le mariage gay », déclarait-il à l’aube de son union avec David Furnish, en 2013. C’est grâce à cette relation amoureuse que le génie du Middlesex a décidé d’assumer publiquement son homosexualité et de devenir une icône de la cause LGBT. C’est certain, derrière ses shows électriques, Elton John a contribué à l’évolution des mœurs, partout à travers le monde. Ne l’oublions pas : l’amour est pop !
Combien d’artistes peuvent se vanter d’avoir sorti 30 albums, quasi-tous aussi populaires les uns que les autres ? C’est l’exploit d’une carrière, qu’Elton John a réussi avec brio. Avec la sortie, en septembre, de The Diving Board, l’Anglais confirme ainsi son statut de pop star. L’album restera sur le podium des charts britanniques pendant près de deux mois !
Chaque bonne chose a une fin. Elton John annonce sa tournée d’adieu. Pendant trois ans, l’artiste va parcourir le monde pour jouer, une dernière fois, les plus beaux tubes de son répertoire devant son public de toujours. En France, 60 000 spectateurs se rassemblent pour quatre concerts devant leur idole. Le chanteur laisse néanmoins à ses fans un sublime biopic qui, chose rare, est réalisé de son vivant. Rocketman, sorti en 2019, nous fait entrer dans la rêverie de l’artiste et a connu un succès immense. Et pour saluer sa carrière et son engagement, Emmanuel Macron lui décerne la légion d’honneur avant que ce grand monsieur ne tire sa révérence.