« Il n’y a pas de retraite pour les bluesmen ! Les gens m’accueillent toujours avec chaleur, et j’essaie de leur donner le maximum pour qu’ils aient envie de revenir m‘écouter. J’envoie le meilleur de moi-même sur scène pour entretenir cet échange ». Une vie sur les routes, guitare en bandoulière, qui dure depuis plus de 50 ans pour Buddy Guy. Malgré les difficultés, il n'a jamais cessé de jouer.
Car le blues coule littéralement dans les veines de ce musicien forcené, dont la vie ressemble à un roman où le hasard aurait rencontré le talent pur pour produire une musique débordante de feelings. Celui qui a inventé le genre West Side ne tremble pas quand il s’agit d’envoyer des riffs et des notes électriques qui se brisent ensemble pour former des vagues d’émotions : endurance, peine, extase, ses cordes délivrent une palette dont lui seul a le secret.
Visionnaire virtuose, il plie les notes à sa guise, parfois tellement loin que son public est à la limite du malaise, puis, le moment venu, il laisse la corde s’installer, soulageant instantanément la tension. Car c’est ce que les guitaristes de légende font : ils repoussent toujours plus loin les possibilités et ils sortent de leurs instruments des sons encore jamais entendus.
Révolutionnant le langage de la guitare et inspirant au passage d’autres légendes comme Eric Clapton ou Jimi Hendrix, qui ont grandi les yeux rivés sur ses accords, il tient peut-être son génie de son apprentissage musical. De leçons, il n’y en a jamais eues : « Personne ne m'a jamais fait asseoir et m'a dit:« B-flat » et « Fa dièse ». La plupart des gens au-dessus de moi - John Lee Hooker, Lightnin 'Hopkins - je leur ai fait face, j'ai regardé leurs mains pour voir où ils allaient. Ils ont joué à l'oreille. Et c'est comme ça que je joue maintenant. Je ne respecte pas les règles ».
Baigné par la musique de John Lee Hooker et Muddy Waters, le jeune Buddy Guy se fabrique, à l’âge de 13 ans, une guitare de fortune pour imiter ses idoles. La légende veut qu’il ait utilisé une moustiquaire et un morceau de bois. Ce n’est que trois ans plus tard qu’il obtiendra enfin une vraie guitare à six cordes.
Alors qu’il joue régulièrement dans les bars de Bâton-Rouge, Buddy Guy sait que son avenir n’est pas ici. Il décide de partir pour Chicago, sur les traces des bluesmen de l’époque. Sans le sou, il est rapidement repéré par Otis Rush qui lui permet de jouer dans les boîtes de la ville. Puis, consécration, par Muddy Waters lui-même qui lui prodiguera quelques conseils.
Pourtant, ce n’est qu’à la fin des années 60 que le chanteur connaîtra un franc succès. Il enregistre plusieurs albums, A Man And The Blues, Stone Crazy et This Is Buddy Guy en collaboration avec Eric Clapton. C’est grâce à ce dernier qu’il touchera un public blanc, plus nombreux, et qu’il partira pour plusieurs tournées triomphantes à l’international jusqu’au début des années 70.
Les années 80 sont submergées par la vague new wave, mettant hors champ quasiment tous les grands bluesmen de l’époque. Buddy Guy, qui s’était déjà fait oublier des maisons de disques américains à la fin des années 70, continuera cependant à faire de la musique, sans presque rien gagner.
Le début des années 90 est le théâtre d’une renaissance pour le blues et Buddy Guy, en compagnie de Mark Knopfler, Jeff Beck et Eric Clapton, ne se fait pas prier pour relancer sa carrière avec Damn right, I've got the blues, pour lequel il sera récompensé d’un Grammy Awards, l’un des huit qu’il a récolté au cours de sa carrière.
Infatigable et à plus de 80 ans, celui qui est désormais une légende aux côtés de ses idoles de jeunesse, BB King et Muddy Waters, a prévenu : il ne s’arrêtera jamais. Inspirateur toujours inspiré, il continue de parcourir le monde pour porter le message de son dernier opus, The Blues is Alive and Well !