Cat Stevens intrigue. Ou doit-on dire Yusuf Islam ? Car le songwriter anglais, icône des seventies, brouille les pistes, tant son parcours semble irréel. Du haut de sa gloire, il a osé mettre sa carrière en stand-by pour se recentrer sur lui-même. Renouant avec la scène il y a 10 ans, son come-back à Bercy est un moment qui restera dans les annales.
« Je suis un miroir à la fois pour le monde occidental et le monde musulman ». Quand Cat Stevens, alias Yusuf Islam, se présente aujourd’hui, le ton est affirmé, préférant la poésie pacifiste à l’obscurantisme dont certains l’ont parfois accusé. Car le londonien du West End est tout aussi brillant qu’incompris. Son parcours étonne, autant qu’il divise. À vrai dire, personne n’avait vu l’annonce venir quand, à l’apogée de sa carrière, le baron du folk décide de troquer brutalement sa guitare contre le spiritualité. Le costume de pop star était trop grand, sa quête existentielle, trop forte.
D’un coup d’un seul, Cat Stevens prenait le large. Alors quand, trois décennies plus tard, l’ancien protégé d’Island Records revient de son introspection, l’enthousiasme se mêle à la curiosité. Ses vieux amis, autrefois subjugués par ses performances, seront-ils au rendez-vous ? D’un côté, qu’importe. Si le virtuose britannique sort du silence spirituel pour faire valser les cordes, c’est avant tout pour renouer avec sa passion de toujours : la musique.
Poussé par son fils, il retrouve ainsi ses automatismes sans forcer et décide de ne plus choisir entre ses deux identités : Cat Stevens est Yusuf Islam, et inversement. Il est désormais homme de foi autant qu’homme de scène. Son folk demeure intact, comme figé dans le temps, bousculant avec délicatesse certaines voix conservatrices qui l’avaient trop longtemps dissuadé de redonner vie à ses douces mélodies. Son folk est doux comme une balade sur la lune de Moonshadow, gentiment sauvage comme une escapade ensoleillée dans le Wild World. Cette fois-ci, c’est sûr : Cat Stevens is back .
Après seulement quelques mois, Cat Stevens est déjà en haut des charts. Le succès est immédiat, mais à peine devenu l’icône d’une génération pacifiste, le héros de Londres connaît son premier coup d’arrêt. Cat Stevens passe à deux doigts de la mort, après avoir contracté la tuberculose. La convalescence sera alors longue et douloureuse, brisant son insouciance de jeune adulte.
Après cette épreuve, qui réveillera sa quête existentielle, Cat Stevens repart à la conquête du monde. Ses quatre albums suivants, entre 1970 et 1972, connaîtront un succès planétaire, avec des singles aussi époustouflants que Wild World ou Peace Train. Le songwriter anglais est sur le toit du monde, à tel point que sa popularité n’a pas grand-chose à envier aux Beatles !
Ses fans sont abasourdis, tant la nouvelle est soudaine et imprévisible. Oui, la fuite éclair de Cat Stevens est une apocalypse dans le monde du folk. Personne ne s’y attendait. Pourtant, le virtuose anglais met bel et bien la guitare au placard pour suivre sa foi. Il se convertit à l’Islam, devient Yusuf Islam et ne réapparaîtra plus sur scène pendant trois décennies.
La barbe est toujours là, le charisme aussi. Cat Stevens est de retour sur scène, à la surprise générale. Ses fans ne l’espéraient plus, les journalistes non plus. Pourtant, ce n’est pas un rêve : le roi du folk anglais présente An Other Cup, son nouveau disque. Le déclic a eu lieu cinq ans plus tôt. « C’était en 2001, quand mon fils est venu à la maison, à Dubaï, avec une guitare, expliquera l’intéressé au Journal du Dimanche. Un matin, je suis descendu dans le living room, j’ai regardé l’instrument et je l’ai finalement pris ».
Cat Stevens, dit Yusuf Islam, n’avait jamais été nommé aux Grammy Awards. Alors, à 68 ans, et tout juste intronisé au Rock’n’Roll Hall of Fame, quelle ne fût pas sa surprise de voir son album The Laughing Apple aussi bien reçu par les critiques. C’est une évidence : ses trois longues décennies sans album n’ont en rien altéré sa créativité débordante, sa douceur charismatique et sa voix réconfortante.