Dans les années 60, une nonne et un jésuite tombent amoureux, prennent la fuite et trouvent refuge dans la forêt amazonienne au milieu des « noirs-marrons » qui ont fui l’esclavage un siècle plus tôt. Et quelques années plus tard, c’est dans le fracas du tonnerre et le grondement sourd des tambours africains que naît Yuri Buenaventura, du nom de la ville portuaire de Colombie où il a vu le jour. Il n’en fallait pas plus pour qu’éclose, quelques années plus tard, un artiste explosif !
Bercé par la salsa caribéenne, entre des influences jazz et le voodoo de la jungle colombienne, le jeune Yuri ne tombe pourtant pas instantanément dans la musique. Des études d’économie aux petits boulots, ce n’est qu’à Paris, en fréquentant assidûment la communauté latine, qu’il bifurque et retourne à ses origines.
La salsa colombienne devient alors une évidence, bien loin des caricatures « tropicalistes » et de la musique à touristes. Expression culturelle et contestataire, sous les pas de danse de Yuri Buenaventura se cache des revendications universelles et des messages d’amour et de tolérance entre les peuples. Sur scène, sa musique se vit comme tout se vit en Colombie, sur le fil ténu qui sépare les vivants des morts, dans une dichotomie où se rejoignent Pablo Escobar et Gabriel Garcia Marquez.
Ses musiciens, parfois jusqu’à vingt sur scène, encaissent avec talent et passion les 300 000 watts de puissance de cette salsa qui ressemble presque à une machine de guerre. Une explosion de saveurs, de couleurs et de rythmes menée par un James Brown version latino qui ne laisse rien passer et qui nous embarque avec lui vers l’histoire de sa naissance, au plus profond de la jungle des Caraïbes.
Le jeune Yuri débarque à Paris pour faire ses études. Mais plus que le savoir, il y rencontrera la musique au sein d’une communauté colombienne et sud-américaine très active. Au début des années 90, il prend part à diverses formations musicales et exerce son talent dans le métro, survivant de petits boulots mais insufflant déjà des notes chaudes et ensoleillées dans le cœur des français.
Pour enregistrer son premier album, Herencia Africa, Yuri Buenaventura retourne en Colombie. Une expérience malheureuse, son disque ne voyant pas le jour et le laissant même à court d’argent. Mais c’était sans compter sur sa bonne étoile puisqu’une reprise de Ne me quitte pas tombe dans les oreilles du journaliste musical Remy Kolpa Kopoul, qui est immédiatement envouté par cette tonalité et cette sensualité ancrée dans ses racines latines. Le disque sort finalement sous le label PolyGram et déchaîne les passions, devenant rapidement disque d’or.
Cet accueil chaleureux ne se démentira plus en France et l’artiste continue sa carrière à Paris. Rapidement, il sort son deuxième album, Yo Soy où les influences et les couleurs musicales se mêlent sans frontière. Pour preuve, la célèbre Salsa Rai en duo avec le petit prince du raï Faudel qui prouve encore une fois la recherche d’unité et de diversité de ce colombien à la personnalité et à l’authenticité hors du commun.
Reparti dans son pays d’origine au début des années 2000 pour se consacrer au rayonnement de la culture colombienne et à sa fondation pour les enfants en difficultés, la légende de la salsa signe son retour dans l’Hexagone avec Historia de un Amor. Un album comme un pont entre deux cultures et qui défend une nouvelle fois le métissage qui lui est cher, entre salsa, mambo ou cha-cha-cha. La fièvre latine n’a pas fini de nous enivrer !