Chapeau noir, costume noir. Van Morrison, homme à la carrière sans équivalent ni temps mort, est un personnage à part. Avec son attitude nonchalante, ce bougre irlandais a passé sa vie à souffler un air tiède de blues, de jazz, de rock. Il aime se balader un peu partout, comme pour mieux nous narguer.
Van Morrison a toujours cherché à éviter la glorification à outrance. Il préfère la postérité aux posters, les studios aux interviews et les chefs d’œuvre à la foule en délire. D’une certaine manière, il est une forme étrange d’anti-Mick Jagger, tant l’homme se veut dans l’ombre de ses mélodies hors du temps, de son saxophone doré et de sa voix rugissante. Originaire de Belfast, ville froide et déchirée où les conflits armés ont longtemps été une sanglante routine, le cowboy du nord n’a jamais flanché. Toujours debout, toujours vivant : il remplit sa discographie brique par brique pour bâtir un royaume où les influences se croisent pour faire flancher les étiquettes.
C’est un fait : l’ancien leader des Them ne voit le monde qu’à travers la musique. Il s’est ainsi forgé une carrière qui force l’admiration, sans break, ni excès destructeurs. Oui, Van Morrison est un monument qui se faufile sur les routes asphaltées par Ray Charles, Chuck Berry et les dieux de la country. Ainsi sur scène, bougon et timide sur les bords, il griffe délicatement nos cœurs par sa grâce naturelle.
Pas très bavard, mais hautement talentueux, Van Morrison est donc une bizarrerie de ce monde, qui a marqué les décennies par des titres emblématiques qui n’ont jamais eu besoin de devenir des tubes pour marquer leur époque. Intemporelle est sa musique, sensationnel est le bonhomme. Parce que cet allergique des médias, dont la pile de disques arrive au torse, est une tête de mule, il insistera toujours pour magnifier à la perfection une forme immortelle de sobriété.
Ce jour d’avril, Them se produit pour la première fois. Au milieu de ses reprises de Chuck Berry et de Muddy Waters sommeille un morceau qui va faire parler de lui : Gloria. C’est aujourd’hui un classique du rock, mais il aura fallu attendre quelques mois pour que le single décolle sur les ondes des radios britanniques et américaines. Plus tard, des artistes comme Jimi Hendrix, Frank Zappa et Noir-Désir reprendront cette belle chanson.
De retour d’une tournée fructueuse aux États-Unis, avec Jim Morrison en première partie, Them se dissout, sous l’impulsion de l’insaisissable Van Morrison. Il tire sa révérence après un concert laborieux, voire même chaotique, à Belfast. Mais ce fiasco n’empêchera pas le chanteur irlandais de rebondir. Deux ans plus tard, il mettra une claque immense à tous les amoureux de rock.
Van Morrison est connu pour ses coups d’éclat incroyables. C’est ce qu’il arrive à faire avec Astral Weeks, mis par certain au rang de meilleur disque rock du siècle dernier. Il nous emmène alors dans un monde parallèle où son talent nous illumine. Bien que peu vendu, l’album se classe depuis en 19ème position dans le classement des 500 plus grands albums de tous les temps, imaginé par le magazine Rolling Stone.
Son pays est si riche musicalement que Van Morrison ne peut y faire abstraction. Cette année-là, il affirme son amour pour les sonorités de la celtic soul, avec un incroyable live enregistré au Grand Opéra de Belfast. Il démontre alors avec virtuosité qu’il est capable d’apprivoiser tous les styles, avec charisme et originalité.
Silencieux il est dans les médias. Mais sur scène comme en studio, il fait rugir sa voix pour composer un hymne étrange au silence. Nouveau disque. Nouveau bijou. Avec l’album Hymns to the Silence, l’artiste nord-irlandais épate son monde et éblouit les critiques. Parmi les titres enregistrés, on notera la présence de I Can't Stop Loving You, une sublime reprise de Don Gibson, en collaboration avec The Chieftains.
C’est un bon vieux Van qui avance libre comme l’air. En quelques mois, il présente trois galettes : You're Driving Me Crazy, en collaboration avec Joey DeFrancesco, The Prophet Speaks, un disque de reprises, et l’excellent Three Chords & the Truth. Pas à court de créativité, Van Morrison n’est pas non plus à bout de souffle. En 2020, alors que la crise du coronavirus interdit les rassemblements de plus de 1000 personnes, il accepte de donner deux concerts dans la même soirée à l’Olympia. Parce qu’une chose est certaine : il a encore des tonnes d’histoires à nous raconter.