Groupe mythique des années 90, mais surtout, groupe porté par une voix d’ange. Celle « d’un saint piégé dans une harpe de verre » selon le magazine Melody Maker, celle évidemment de la leader hyper-charismatique des Cranberries, Dolores O’Riordan.
Côté face, les quatre irlandais vivent une success story comme seuls ceux qui se sont exportés de l’autre côté de l’Atlantique en connaissent. Des millions d’albums vendus, des classements vertigineux au Billboard, des salles remplies et au bout du chemin, un retour triomphant en Europe. Côté pile, une chanteuse exceptionnellement douée qui se bat contre ses démons. Des textes qui ne sortent bien que quand elle connaît « un peu de misère dans la vie ». Des prises de positions conservatrices qui font parfois polémiques.
Mais qu’importe, le public des Cranberries ne lâchera jamais l’affaire. Portées par une voix cristalline, les paroles sont brutes, émotionnelles, sur le fil du rasoir. Et c’est peut-être pour cela qu’elles parlent et prennent aux tripes toute une génération. Une génération de jeunes et de jeunes femmes qui s’identifient à la chanteuse. Son style garçonne, son énergie, sa façon de s’exprimer sans détour et de balancer, dans toutes ses interviews entre un positivisme presque poétique et des confessions personnelles brûlantes.
Et si les Cranberries sont restés pendant longtemps aux Etats-Unis, leur terre natale, celle battue par les vents irlandais, teinte leurs chansons d’un folk envoûtant et des yodels que la chanteuse a appris de son père. Certains diront que la formation était avant tout une machine à tubes. Une mécanique bien huilée et calibrée pour faire les beaux jours de MTV. Pourtant, le groupe a toujours affirmé n’écrire que les chansons qu’ils voulaient écouter. Parce qu’au final, les modes passent, mais eux sont restés. En 2018, ils préparaient un nouvel album quand la disparition de la chanteuse emblématique a fait la une des journaux du monde entier. Signe que The Cranberries et leur mythique Zombie étaient encore dans toutes les têtes.
Dolores O’Riordan a seulement 18 ans quand elle rencontre les trois membres des Cranberries à la recherche d’un nouveau chanteur. Pendant l’audition, les irlandais sont frappés par la voix de la jeune femme. Ils lui demandent d’écrire des paroles sur l’une de leurs compositions et une semaine plus tard, la chanson Linger prend vie. En 1993, alors que le groupe a signé son premier album chez Island Records, elle deviendra l’un des premiers tubes du groupe.
Leur deuxième album les propulse au rang de stars du rock international quasiment du jour au lendemain. Sur l’excellent No Need to Argue figure en effet le tube planétaire Zombie, écrit en réaction aux attentats de 1993 dans une Irlande toujours en proie à la guerre civile. Politique et engagé, ce titre les met sur les traces d’un autre groupe irlandais et leur célèbre Sunday Bloody Sunday auquel on ne peut s’empêcher de penser. En France, il obtiendra un disque de diamant.
Aucun autre album n’arrivera à égaler No Need to Argue, le troisième album du groupe ayant même été cité dans le classement des 50 pires albums de tous les temps du Q Magazine. En 2003 et après de nombreuses rumeurs sur la cohésion du groupe, celui-ci annonce officiellement une pause. C’est seulement six ans plus tard que les irlandais se retrouvent, revenant alors aux riffs et aux sonorités de leurs débuts. Pour la chanteuse, une chose est claire, « après le troisième album, les Cranberries c’était du n’importe quoi » et elle ne souhaite pas reproduire cela une nouvelle fois.
Si les Cranberries ne connaissent plus le succès monumental de leurs premiers albums, ils continuent de tourner en Europe et outre-Atlantique avec deux nouveaux albums : Roses (2012) et Something Else (2017). Mais alors que la chanteuse semble avoir surmonté ses problèmes psychologiques et que le groupe trouve enfin un peu d’apaisement, celle que les journalistes appellent la mater dolorosa est retrouvée morte dans sa chambre d’hôtel. Malgré la peine, l’album en cours d’enregistrement, In the End, est terminé en 2019 mais les Cranberries n’iront pas plus loin sans leur égérie.