Entre résilience et rébellion, quand on pense au parcours de Sunny War, on ne peut s’empêcher de penser à celui de Fantastic Negrito. Comme lui, elle tire la lumière de son côté sombre, évitant à chaque instant de tomber dans l'abîme en se vouant corps et âme à un folk teinté de rock, à un blues que vient sublimer la chaleur de sa voix.
Elle qui n’a pas eu une vie facile rend la nôtre un peu meilleure à chaque note. Avec douceur, elle se raconte. Des déménagements fréquents de son enfance à son passé sous addiction. Des galères et des traversées du désert aux multiples rédemptions. De la lourdeur de la perte à la légèreté d’une renaissance. Chaque accord semble suspendu sur le fil de sa vie comme aux fils de sa guitare dont elle joue avec une liberté virtuose et une inventivité qui surprend même les plus grands.
Mais derrière cette voix presque angélique, la chanteuse a la punk-attitude. Avec son look rebelle, elle déjoue les pronostics et s’échappe allègrement du moindre bocal où l’on voudrait l’enfermer. Intrépide, certainement, indocile, toujours ! Une liberté farouche qui va de pair avec une vulnérabilité sans limite. Derrière ses textes, l’honnêteté toujours, parfois à la limite du supportable, parfois répétée comme un mantra.
Sunny War est cette pépite intimiste qui ne se promet plus la guérison mais qui persévère. Cette chanteuse sensible qui porte ses émotions au bord des lèvres. Cette parolière qui n’échappe pas à la douleur de vivre mais qui a décidé d’en faire une force et d’embrasser ce qu’elle est, intensément. Comme elle le résume elle-même : « Tout le monde est une bête qui fait de son mieux pour être bon. C'est ça être humain ». Et cette bête-là est merveilleuse.
Déscolarisée très tôt, c’est à Venice Beach que Sunny War traîne et joue de la guitare en même temps qu’elle tombe dans les addictions. De cette période sombre, elle tirera quand même du positif. Avec son groupe de punk, Anus Kings, elle se fait rapidement remarquer, notamment grâce à son jeu unique sans médiator, au pouce et à l’index. Une virtuosité qui ira jusqu’aux oreilles des critiques du LA Weekly et qui débouchera sur une collaboration avec Gibson Guitars.
Quelques années plus tard, c’est en solo que l’on retrouve Sunny War, toujours aux prises avec ses démons mais dont la musique s’est un brin assagie. Son premier album, Worthless, est un bijou d’acoustique bien trop peu connu. Dans les albums suivants, parfois autoproduits, elle continue d’explorer le blues et le folk, appuyant volontiers sur l’accélérateur avec une touche de rock et connaissant un succès grandissant aux Etats-Unis.
En 2021, son titre tout en douceur, Lucid Lucy avait déjà fait des millions d’écoutes en streaming. Mais cette fois, l’artiste qui n’est plus à un oxymore près, sort une pépite folk blues intitulée Gospel Anarchy. Elle s’y expose avec violence et vulnérabilité dans des paroles et une interprétation presque désespérées mais toujours vraies. Encore une fois, la chanteuse montre qu’elle sait comment s’approprier les codes de la musique roots sans se laisser enfermer dans ce style déjà maintes fois décrypté.