Il est le divin enfant d’un rock aussi progressif que progressiste. Steven Wilson, quinqua discret enclin aux histoires qui éveillent les consciences, aurait pu être le direct héritier de David Gilmour. Ambitieux à la créativité exacerbée, il a décidé d’être encore bien plus que ça.
Sa mère écoutait Donna Summer, son père, Pink Floyd. Alors, quand Steven Wilson décide de redonner du souffle à un rock progressif en sommeil, il ne peut se priver d’éclabousser ses mélodies lumineuses d’une pop exigeante. Derrière ses lunettes rectangulaires, reflet d’un homme carré, droit dans ses bottes, il voit ainsi le monde sous un autre angle. Il jongle, pieds nus, avec les pédales d’effets, comme pour colorer un son clair-obscur. Il chamboule notre rythme cardiaque, secoue les carcans et bouscule les clichés d’une société en mal de vivre.
D’une certaine façon, Steven Wilson est au présent ce que David Gilmour est aux eighties : un mec sensible à la technicité d’or, préférant l’éloge de la simplicité à la complexité sans âme. Il brutalise la douceur, réchauffe les cœurs glacés : ses performances décomposent l’évidence, questionnent les préconçus musicaux avec virtuosité. On se pose alors la question : doit-on le voir comme un guitariste hors-pair, un chanteur à la voix lancinante ou un producteur à la créativité débordante ? Somme toute, les trois. Car Steven Wilson ne se contentera jamais d’une seule casquette.
Ainsi soit-il : le guitariste d’Hemel Hempstead, coin tranquille sous le ciel gris d’Angleterre, flirte avec les émotions, tiraillé entre sa lucidité d’adulte et son regard enfant. Il triture les cordes et les claviers, allant chercher, tour à tour, la noirceur mélancolique, la douceur oxygénée et des utopies réalistes. Alors, si la beauté sincère cherche son alter-égo, probablement doit-elle regarder du côté de Steven Wilson. Car, avec son énergie aussi brute qu’explosive, l’ancien leader de Porcupine Tree est un coup de griffes au rock, loin du revival.
Avec son ami Malcom Stocks, Steven Wilson donne naissance à Porcupine Tree. Directement inspiré par les récentes compositions de Pink Floyd, le groupe explore un rock progressif aux accents psychédéliques. Il faudra attendre 1992, et la sortie du disque On the Sunday of Life, puis 1995, et l’album The Sky Moves Sideway, pour obtenir de premiers succès, toutefois relatifs.
En une dizaine d’années, Porcupine Tree est devenu une référence dans le milieu du rock progressif. Après quelques coups de maître, à l’instar du disque In Absentia, paru en 2002, le groupe frappe fort avec Deadwing. Plus accessible que ses œuvres précédentes, l’album connaît un franc succès, bien au-delà des eaux britanniques.
Steven Wilson veut désormais se concentrer sur sa carrière solo. Porcupine Tree n’est plus la priorité. Paraît alors Insurgentes, son premier disque, dans lequel il confirme son appétence pour le rock progressif, les sonorités des eighties et l’air ambiant du metal.
Steven Wilson trace sa route. Cette année-là, il présente Hand, son quatrième album. Les critiques sont bouche bée, son public, en extase. Encore une fois, le prodige britannique met tout le monde d’accord, avec un album aussi inspiré qu’inspirant. C’est l’un des plus beaux disques de rock progressif depuis la fin de Pink Floyd, diront certains.