Soundgarden figure déjà au Panthéon des quelques groupes qui ont fait du grunge un genre musical à part entière, un nom créé seulement pour quelques talents qui ne voulaient pas rentrer dans les cases. Et aux côtés du blondinet Kurt Cobain se tient désormais, caché derrière son rideau de cheveux bouclés, le très grand Chris Cornell.
Aujourd’hui encore, difficile de définir en un mot le style du groupe. Aux côtés de Nirvana, Alice in Chains ou Pearl Jam, Soundgarden mélange les genres. Certains ont bien essayé de les classer avec les groupes de heavy metal, mais cheveux longs mis à part, ça ne collait pas vraiment. Punk ? Définitivement pas assez speed ! Rock ? Certainement, mais pas celui que l’on avait l’habitude d’entendre à l’époque. Le grunge donc. Pas vraiment un genre, mais plutôt une étiquette collée à la hâte pour définir cette poignée de groupes qui ont voulu ramener un peu de noirceur dans la pluie de paillettes qui submergeait les années 80.
Et aux manettes, la grande silhouette de Chris Cornell et sa voix impressionnante, traînante, qui couvre quasiment quatre octaves. Et qui nous fait décoller dès les premières notes dans un trip planant ou pour une session de montagnes russes complètement électrifiées. Un orage grondant entre hardcore surréaliste et post-punk classy qui marquera les générations suivantes. « Soundgarden a pris le rock que j’aime et l’a rendu intelligent. L’intellect sombre et poétique de Cornell n’était pas quelque chose que vous trouviez dans le heavy metal » en dira le guitariste Tom Morello, qui reconnaît l’impact énorme qu’a eu le groupe sur les débuts de Rage Against the Machine.
Pour sûr, les tubes de Soundgarden qui ont fait les beaux jours de MTV, Black Hole Sun en tête, font désormais partie du mythe et des légendes parties trop tôt.
C’est âgé d’à peine 20 ans que l’enfant de Seattle fonde Soundgarden sur les cendres de son précédent groupe, The Shemps. Le nom du groupe vient d’une statue, A Sound Garden. Installée près de Seattle, le vent la transforme régulièrement en un instrument de musique envoûtant. Et quatre ans plus tard, la formation est la première à signer sur un gros label, A&M records, ouvrant la voie à d’autres groupes de grunge.
Si Soundgarden connaît le succès dans les années 80, leurs ventes s’envolent dans les années 90, seulement quelques mois après la fin tragique de Nirvana. Avec Superunknown, Chris Cornell se révèle enfin complètement sur les tubes planétaires Black Hole Sun ou Spoonman et le groupe truste la première place du Billboard, raflant également le Grammy du meilleur album rock l’année suivante.
L’heure de gloire du groupe sera pourtant de courte durée. Un album plus tard, le rythme de tournée épuisant aura raison du groupe qui a la sensation étouffante que leurs fans payent « uniquement pour nous demander quels titres jouer ». L’ambiance se dégrade jusqu’en 1997 et les membres prennent à l’unanimité et au sommet de leur gloire, la décision de se séparer.
Il aura fallu attendre douze longues années pour entendre à nouveau parler de Soundgarden. Le groupe se reforme sous l’anagramme Nudedragons pour un concert en 2010 à Seattle, là où tout a commencé. Très vite démasqués, ils se lancent dans une tournée internationale, puis se rejoignent en studio pour sortir King Animal, « un son aussi intemporel qu’anachronique, une bête étrangement cool à rencontrer en 2012 » selon Rolling Stone. Et pour les quatre membres du groupe, ça ne faisait aucun doute, c’était reparti pour un tour !
Au milieu d’une tournée et alors qu’un nouvel album semblait être à l’ordre du jour, Soundgarden et le monde du rock sont en deuil. Son leader, Chris Cornell, est retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel. Même si le groupe trouvait un second souffle, il ne peut continuer sans son légendaire chanteur et disparaît donc avec lui.