Un disque lui aura suffi à devenir une icône de son siècle. Au départ inspirée par l’ombre du grand Tom Waits, son cavalier pendant un temps, Rickie Lee Jones a pris son envol pour construire une carrière d’une rare longévité. Engagée et sublime, elle est magique : on peut en dire autant de ses chansons.
Elle est le visage d’une Amérique écorchée qui se déchire en mille morceaux à mesure que les va-t-en-guerre se succèdent dans le bureau ovale. Oui, Rickie Lee Jones est une insoumise qui se mouille avec sa guitare sèche et sa voix juvénile. La Duchesse de Coolsville, comme aiment la surnommer les journalistes du Time, noie l’amour dans l’amertume, et inversement. Elle donne de la couleur au folk, revisite les standards du jazz de la Nouvelle-Orléans et narre sa saine colère.
Ils sont tous musicalement amoureux d’elle : Bob Dylan et Ben Harper les premiers. Il faut dire que cette grande dame blonde sait user de son charme pour défendre sa vision du monde. Elle grandit au rythme de ses envies, de ses lubies et de ses rencontres, pour se rapprocher, un peu, de ses idoles de toujours : Nina Simone, Judy Garland et Frank Sinatra. En quête de liberté et d’aventures, Rickie Lee Jones, star dès son premier album, se veut ainsi grande voyageuse et rebelle tendre. Elle enchaîne donc les ballades cools et bluesy, pour témoigner de ce qu’elle voit, chaque jour, autour d’elle.
Son grain de voix fait craquer les mélomanes. Ici, pas de superflu. Elle n’a besoin que d’un micro ouvert et de quelques cordes pour transmettre ce qu’elle a sur le cœur. Car de ses décennies de vie, elle a hérité d’une maturité qui vient donner à ses lenteurs fragiles, à ses éclats d’humeur et son panache fougueux, son ombre d’élégance absolue. Rickie Lee Jones, personnalité atypique d’une époque, a donc encore de belles choses à nous chuchoter.
À peine entrée en scène, l’amoureuse de Tom Waits obtient ce qui sera le plus grand succès de sa carrière, avec son premier disque, d’inspirations jazzy, et le single Chuck E.'s in Love. Elle sera couronnée l’année suivante, lors des Grammy Awards. Rickie Lee Jones est déjà dans la cour des grands.
Tout juste remise de sa douloureuse séparation avec Tom Waits, Rickie Lee Jones s’exile en France, à Paris. C’est là qu’elle compose son troisième album, intitulé The Magazine, et qu’elle ose prendre des libertés pour dénicher des sonorités nouvelles. Elle prendra ensuite quelques années de pause, à la suite du décès de son père.
Avec le disque Pop Pop, enregistré en 1989 au Topanga Skyline Studio, Rickie Lee Jones se laisse aller aux joies de la reprise. Sa voix très expressive, mi-chantée, mi-parlée, subjugue ses admirateurs. Elle reprend avec une élégance affirmée des standards du jazz, comme les plus belles compositions de Tin Pan Alley ou de Jimi Hendrix.
On la connaît engagée, se servant de la musique pour exprimer avec force ses convictions personnelles. Alors que George W.Bush vient d’être élu pour poser ses valises dans le Bureau ovale, Rickie Lee Jones dégaine son arme de prédilection pour s’opposer à la politique du président des États-Unis et contester le Patriot Act. en sortant le très bon album The Evening of My Best Day.