Cheveux en bataille coiffés en iroquois, il a troqué le costume trois pièces contre un T-shirt à slogan, un pantalon trop large, une veste râpée et des sneakers. Un vieux punk ? Non, un violoniste de légende, sur scène aux côtés des meilleurs musiciens et tirant si facilement les larmes à un public au bord de l’hypnose.
Cet homme, on ne le présente plus. C’est l’enfant terrible de la musique classique, la folie douce qui s’est emparée d’un violon, le seul bad boy capable de donner la réponse aux meilleurs orchestres symphoniques. Cet homme, c’est le génial et insolent Nigel Kennedy, qui traîne son Stradivarius à travers le monde depuis plus de 40 ans et dont le talent, l’énergie et l’impertinence n’ont toujours pas pris une ride.
Car il s’est donné une mission : apporter la musique classique au grand public. Faire rentrer Bach, Vivaldi et autres artistes des temps anciens dans nos maisons et nos appartements. Et tant pis si au passage, il faut pour cela écorner, ou parfois faire voler en éclat certaines conventions. Rester immobile et droit comme un piquet pour délivrer son solo ? Pas pour lui ! Venir rasé de près ? A d’autres ! Ce qui l’intéresse, c’est la musique et seulement la musique, pas le style. Des écarts que le monde classique a parfois du mal à lui pardonner. Mais qu’il fait très vite oublier dès qu’il fait résonner ses premières notes.
Parce qu’archet en main, il fait vibrer ses cordes comme personne. « Il a une technique ahurissante. Lorsque vous le voyez jouer, vous ne pouvez plus rien lui refuser » disait Lizzie Ball, premier violon de l’Orchestra of Life qui a accompagné ses tournées. Et quand on joue avec ce prodige dont le style est aussi libre que sa rythmique est audacieuse, il vaut mieux suivre. Jazz, rock, classique, les frontières ou l’ordre établi, ce n’est pas pour lui ! L’improvisation, par contre, il connaît sur le bout des doigts. Et comprenons-nous bien, ce n’est pas qu’il ne respecte rien, Nigel, c’est simplement qu’il est libre !
En voyant défiler ses looks improbables au fur et à mesure de sa carrière, difficile de se dire que Nigel Kennedy a un jour été un enfant sage. Pourtant, sa formation est classique puisqu’il étudie d’abord à l’école de Yehudi Menuhin avant de rejoindre la prestigieuse Julliard School de New York, où la superstar Dorothy Delay le prend sous son aile.
Aidé par son manager John Stanley, le jeune artiste a travaillé son image. Avec sa barbe et ses cheveux en bataille, il devient dandy décalé. Mais quand il sort sa version des Quatre Saisons de Vivaldi, son blouson de cuir détonne presque autant que sa virtuosité. Le disque explose les charts partout dans le monde. On en compte aujourd’hui plus de quatre millions d’exemplaires vendus. Son franc-parler et son inimitable style vestimentaire comme musical feront le reste. Le violoniste a conquis la planète.
En 1992, après une opération de la nuque, le musicien fait un break de cinq ans pendant lequel il explorera le rock, la musique celte, le jazz. Le retour de cette rockstar du classique, en 1997, fait la une des journaux britanniques. Et lui n’a plus qu’un seul mot d’ordre : faire exactement ce dont il a envie quand il en a envie ! Deux ans plus tard et dans la droite lignée de ce qu’il avait annoncé, il sort The Kennedy Experience, en hommage au guitariste Jimi Hendrix.
Nigel Kennedy prend le large. Les orchestres classiques et symphoniques ne lui suffisent plus alors il crée le sien pour l’accompagner en concert, notamment sur sa tournée Bach-Vivaldi de 2010. Car l’artiste ne se refuse rien. Ni l’improvisation au milieu des Quatre Saisons, ni quelques notes d’harmonica pour entrer en scène. Et pour cela il lui fallait « une totale liberté. Faire des concerts comme je l'entends avec des gens jeunes, qui sont sur la même énergie et n'hésiteront pas à me suivre partout ». Et évidemment, ça marche !
On savait l’amour porté par le violoniste à Jean-Sébastien Bach. Mais c’est en reprenant Gershwin qu’il signe son dernier album, reprenant les deux compositeurs célèbres lors la tournée qui suit. S’ils se rencontraient, l’artiste explique en s’amusant qu’ils feraient probablement « un match de lutte harmonique… dans la boue ! ». Pas de boue pour Kennedy mais toujours un band formé pour suivre ses envolées improvisées au milieu de ses compositions hautement classiques !