King Crimson ne ressemble à rien d’autre qu’à King Crimson. Ces chimistes de la musique, drivés à la baguette par un Robert Fripp ultra-créatif, ont tout révolutionné sur leur passage, s’inscrivant comme les pionniers du rock progressif.
« King Crimson sont les maîtres de la déflagration, aussi inattendue que violente ». Ces mots viennent tout droit de la bouche de Nick Cave. À vrai dire, qui de mieux pour rendre hommage à ce groupe culte, sculpteur hors des conventions d’un rock progressif aux contrastes marqués. Emmené par l’intrépide et exigeant Robert Fripp, la bande de London déploie, décennie après décennie, ses ailes somptueuses dans un ciel tourmenté par des nuages psychédéliques, des éclairs de folie et des arpèges saturés.
Là-haut, c’est le chaos. Ce ne sont pas les adieux définitifs, les clashs routiniers et les reformations inattendues, que King Crimson collectionne à la pelle, qui nous feront dire le contraire. Car ce groupe est une anomalie autant qu’une évidence. Monstre du metal parfois, maître du jazz d’autrefois : Robert Fripp et ses sbires ont formé une créature surprenante, où la sophistication épouse, dans un amour étonnamment compatible, une volonté d’anarchie placardée avec fracas. Ici, la simplicité est bannie. Seules les alchimies des sons comptent.
Tout sauf commerciale, leur musique aux clins d’œil jazzy est hors des clous, à la fois hypnotique et énervée, domptée et imprévisible, répétitive mais pas monotone. Si elle s’infuse aujourd’hui dans la tisane musicale des jeunes groupes, ce n’est pas un hasard. Car, dès ses débuts, King Crimson s’est démarqué des Beatles et de Jimi Hendrix pour révolutionner les sonorités de son siècle et ouvrir une voie nouvelle. Leurs malins plaisirs : casser les codes, repousser les limites et déconstruire le communément admis avec une technicité d’or. C’est ça, le rock !
Si l’Angleterre a une heure de retard sur la France, King Crimson a clairement pris des années d’avance. Au cœur de Londres, le groupe dégaine d’entrée de jeu des sonorités à faire trembler les mélomanes d’excitation et de peur. On n’avait jamais entendu ça avant : difficile de résister à l’invitation de Robert Fripp et de Michael Giles.
Oui, King Crimson a posé la première pierre de ce que l’on appelle aujourd’hui, communément, le rock progressif. Alors, autant dire qu’avec son premier album, In The Court Of The Crimson King, le groupe surprend son monde, avec des sonorités inédites. Le succès est immédiat, si bien que la bande de Robert Fripp assure déjà la première partie des Rolling Stones.
La légende dit que Robert Fripp est insupportablement perfectionniste et exigeant. C’est ce qui expliquera en grande partie les multiples séparations et modifications de line-up. Le premier adieu du groupe se déroule en 1975 : il s’agira finalement d’une pause, puisque King Crimson fera un retour fracassant en 1981, avec Discipline.
King Crimson continue de surprendre. En témoigne son album The Power to Believe, confirmant avec une créativité martienne et une technique extraterrestre à quel point le groupe réinvente chaque jour les sons pour peindre un état d’esprit hors des époques. Si ce groupe est l’un des plus influents du rock progressif, ce n’est pas un hasard !