Un écho, une distorsion, une réverbération. Jeff Beck, sorcier de la guitare, triture les cordes avec une technique finement ciselée, fruit d’une créativité inaltérable et d’un perfectionnisme outrancier. Cet homme ne chante pas : il préfère laisser sa Fender le faire à sa place.
Jeff Beck n’est pas carriériste pour un sou. Il aurait pu concurrencer avec plus de virulence ses amis Éric Clapton et Jimmy Page dans les charts. Pourtant, il s’en moque, le prodige de la banlieue de London. Une seule chose lui importe : faire ronronner sa Fender blanche jusqu’aux sommets. Et autant dire qu’à ce petit jeu, le moteur à propulsion des Yardbirds, connu pour son jeu libre et spontané, n’a besoin que de quelques notes acrobatiques pour tuer le game.
Jeff Beck maîtrise tout ! Ce funambule du jazz, bercé par les titres de Django Reinhart et le blues de BB King, met ses influences en fusion avec une technique d’orfèvre à rendre fous les amoureux de la gratte. Ses notes rebondissent, ses effets transcendent les certitudes. Le virtuose anglais, insaisissable et imprévisible, aime le risque, naviguant sans cesse en eaux troubles et jouant délicieusement avec une palette aux mille couleurs. « Si je mourais, je me demande quelle étiquette me colleraient les tabloïds », s’amuse-t-il parfois.
Ce Jackson Pollock du son, bricoleur d’abstractions et profond visionnaire, triture ainsi les partitions à mesure que son inspiration explore des terres inconnues. Sur la toile, avec intuition, liberté et génie, il projette des sons à tendance psychédélique. Son œuvre n’a pas d’égal. Ses expérimentations, surprenantes et intrépides, laissent sans voix. D’ailleurs, ça tombe bien, à la manière d’un Earl Hooker, Jeff Beck ne chante jamais. Avec sa nonchalance ordinaire, il préfère laisser hurler sa guitare par le biais de solos hors de portée.
Jeff Beck rejoint The Yardbirds à la demande de son ami d’enfance, Jimmy Page. En moins de deux ans, le guitariste contribue activement au succès du groupe, apportant ainsi sa créativité au profit d’un rock à l’anglaise, devenu culte.
Après avoir quitté The Yardbirds, Jeff Beck lance son propre projet. Accompagné par des musiciens hors-pair, dont Rod Stewart et Nicky Hopkins, le groupe produit deux albums d’exception, dont Truth, considéré comme le prélude du heavy-metal. La bande se dissout seulement quelques semaines avant Woodstock. « Je ne le sentais pas », se contentera d’expliquer Jeff Beck.
Jeff Beck rebondit toujours. Cette fois-ci, c’est avec Tim Bogert et Carmine Appice qu’il se lance. Après une première tentative avortée, suite à un accident de voiture, les trois musiciens marquent les esprits, avec des prouesses instrumentales à faire tomber par terre les critiques. Le succès commercial n’est pas au rendez-vous, comme ça arrive parfois, mais leur album reste une pièce importante dans la discographie de l’artiste.
Jeff Beck part à l’aventure, seul avec sa Fender, pour explorer des territoires inconnus. Parmi ses disques remarqués, on notera d’ailleurs l’excellent Blow by Blow, le surprenant Wired et l’immortel Flash. Ce dernier disque lui permettra, soulignons-le, d’obtenir son premier Grammy Award.
Jeff Beck, sept ans après son dernier disque, présente Emotion and Commotion. Enregistré avec un orchestre et plusieurs voix féminines, l’album devient un must-have pour tous les amoureux de guitare. L’artiste anglais est alors nominé à cinq reprises aux Grammy Awards. C’est un carton plein !