À sa manière, au gré de ses explorations dans les eaux profondes de la musique, Jean-Michel Jarre a changé le monde. Homme d’avant-garde, il a ouvert un nouveau champ des possibles, déstructurant avec créativité les préconçus de la musique moderne.
« Il est à la fois un peintre des villes, un musicien des mondes et un décorateur de l’écologie ». Les mots de Gonzague Saint Bris sonnent juste, tant Jean-Michel Jarre est un être à part. Pape de la musique électronique, il a alors renvoyé dos-à-dos les énergies contradictoires du punk et du disco de l’époque pour complètement renverser la logique de composition, allant jusqu’à réinventer la notion même d’instrument. Machines alambiquées, harpe laser, synthétiseur en demi-lune : il a surpris, voire désarçonné, révolutionnant radicalement la manière d’entrevoir la scène, de jouer avec les lumières et de greffer l’image à la musique. C’est un fait : Jean-Michel Jarre, intemporel par nature, a oxygéné nos tympans grâce à son audace.
Mais tout ça, il le doit à son maître, Pierre Schaeffer, ingénieur et chercheur. « Il m’a permis de comprendre très tôt que la musique n’est pas forcément une question de notes, mais que les bruits du quotidien pouvaient aussi faire de la musique », confiera plus tard le virtuose français. Comme un clin d’œil au magnétophone d’occasion que son grand-père, inventeur, lui avait offert enfant et qui fut le fruit de ses premières expérimentations, Jean-Michel Jarre a donc passé sa vie à décortiquer les sons et à inventer un vocabulaire bien au-dessus de la banalité.
Précurseur indétrôné, il a élevé les concerts au rang d’attractions spectaculaires en leur donnant une dimension monumentale. Et pour cela, il ne recule devant rien. Les pyramides de Gizeh en fond pour le passage du millénaire ? Done. Un concert géant sur la place Tian’An Men ? C’est fait. Un avatar 3D à la Matrix pour faire face au Covid ? Comptez sur lui ! En innovant et en se réinventant au fil des années, Jean-Michel Jarre fait toujours parti aujourd’hui des défricheurs de tendance.
Si vous lui demandez quel disque a marqué sa carrière, il est fort à parier que Jean-Michel Jarre répondra sans hésiter Oxygène. Ce voyage musical d’un nouveau genre, inédit pour l’époque, donne naissance à un tube mondial et asseoit la notoriété du compositeur français. Entre joie et dark, le concept-album est en effet un petit séisme dans le milieu de la musique : on n’avait jamais vu ça auparavant.
Comment faire pour retranscrire sur scène la musique électronique ? Ce 14 juillet, Jean-Michel Jarre, avec ses machines alambiquées et sa harpe laser, a trouvé la formule magique. Alors ce jour-là, devant un million de spectateurs, le virtuose lyonnais fait vibrer la Concorde. C’est son jour de gloire, et l’affirmation d’une chose : la musique électronique va changer le monde. Cette date lui permettra d’ailleurs de s’exporter à l’international, notamment en Chine, où il deviendra le premier occidental à jouer depuis la mort de Mao.
Quand la Nasa fête ses 150 ans, inviter les hymnes cosmiques de Jean-Michel Jarre semble une évidence. Un an après la sortie de son album Zoolook, qui l’amène à collaborer avec Marcus Miller, il revient donc en force, à la conquête de l’Amérique. Pour l’occasion, il composera le sublime morceau Last Rendez-vous, qui sera l’inspiration centrale de son futur album.
C’est un concert qui fera date : La Défense, devant 2,5 millions de spectateurs. Quelle meilleure manière pour célébrer la révolution française ? C’est un record, et le spectacle est grandiose. Jean-Michel Jarre n’est pas prêt à oublier cet instant. « C’est le moment le plus émouvant de ma carrière, un concert magique », racontera-t-il bien plus tard.
De tous les concerts de Jean-Michel Jarre, celui-ci est sans doute le plus démesuré. Pour célébrer le passage du millénaire, c’est devant les pyramides de Gizeh que l’artiste installe sa scène pour l’un des shows les plus longs de sa carrière. Dans un brouillard surréaliste, les quatre heures de ce set découpé en deux parties, l’une en soirée, la seconde au petit matin ont rassemblé jusqu’à deux millions de personnes online. Du jamais vu !
Ce boulimique de concerts enchaîne plusieurs tournées à la fin des années 2000 avec l'Oxygène Tour 2008 suivi de Indoors en 2009 et de la sobre 2010. Il y entame un retour à ses premières amours en remettant les synthétiseurs au coeur de sa musique et en affirmant une nouvelle fois son empreinte musicale dans un monde désormais dominé par la musique électronique.
Au fil des années, Jean-Michel Jarre a mis au monde une discographie hors du commun, sans ne jamais tomber dans les travers de la facilité ou de la redondance. Une nouvelle fois, avec Equinoxe Infinity, album à deux pochettes, le compositeur, engagé depuis des années pour l’écologie, surprend, avec un rétro-futurisme qui questionne l’avenir. Le Monde écrira : « Jarre renoue ici avec le jeune homme mélancolique et rêveur qu’il demeure, exposant la face la plus séduisante de sa créativité, une ambient dynamique et espiègle ».