Il est l’une des dernières légendes du reggae encore en vie et pourtant, son héritage est déjà immense. L’un des derniers aussi à représenter le roots et à avoir survécu au développement des sons digitaux qui ont envahi les années 80. Avec lui, les cuivres prennent de l’ampleur pour porter un message sans frontière : celui de la paix et de l’amour sans oublier de plonger dans les racines de l’histoire d’un peuple qui a été réduit à l’esclavage. Parce que c’est la force de Burning Spear, avancer avec tranquillité, ralentir les rythmes pour mieux porter son engagement à travers le monde.
C’est une musique qui s’est noyée dans la fumée mais qui a toujours élevé les âmes et les consciences. Une signature vocale unique et une tonalité parfois suppliante, reconnaissable entre toutes. Parce que non content d’être un immense chanteur de reggae, Burning Spear a également les allures d’un prédicateur. Ses textes, il va les chercher dans sa foi Rastafari pour célébrer l’activisme séparatiste noir et redonner une expression contemporaine, joyeuse, de ce qui a été volé de force à ses ancêtres. Et même si l’indignation a sa place, ce qui marque dans les compositions de l’artiste, c’est cette auto-célébration de sa culture, cette fierté qu’on ne pourra plus jamais lui enlever.
Sur scène, il est toujours majestueux, clair, mélodieux, avec cet esprit intact et cette rage faite d’amour pur que les années ne semblent pas émousser. Une voix hypnotique qui apporte la chaleur brûlante de Kingston, pour chanter avec passion la douceur et le feu, les épreuves et la rédemption, sur des rythmes intemporels qui résonnent au fond des corps. Burning Spear, ce talent brut venu de Jamaïque, semble ne pas vieillir tandis qu’il emmène toujours son public dans un voyage à travers l’espace et le temps.
Il est né en Jamaïque, du côté de St-Ann, la commune d’où est aussi originaire le maître Bob Marley. Et coup du destin ou non, c’est avec lui que Burning Spear va se lancer dans la musique. L’artiste l’introduit chez Studio One où il produira son premier single, Door Peep ainsi que ses deux premiers albums en trio avec le bassiste Rupert Willington et le saxophoniste Cedric Brooks. Déjà, le monde du reggae entend parler de ce chanteur à la voix spirituelle qui combine force et douceur.
C’est quelques années plus tard, en signant chez Island Records qu’il explose dans un paysage musical à la vibe définitivement hippie. En 1975, Marcus Garvey est considéré comme le chef d’œuvre musical de l’artiste avec son titre éponyme, le titre engagé Slavery Days ou Old Marcus Garvey. Des thèmes qui deviendront récurrents dans la musique de Burning Spear et qu’il transformera pour leur donner ce côté lumineux, quasiment prophétique qui a fait sa renommée.
Les pépites s’enchaînent dans les années 80 et 90 et le monde entier connaît désormais le visage de l’artiste devenu légende, qui continue de porter les couleurs du reggae quand son ami Bob Marley s’est éteint. Au fur et à mesure, des accents de jazz ou de funk font leur apparition sans jamais le dénaturer et c’est finalement en 2000 qu’il obtient la reconnaissance internationale qu’il mérite en recevant un Grammy Award pour son album Calling Rastafari. Un exploit qu’il répétera avec Jah Is Real en 2009.
Il faut croire qu’on ne peut résister à l’appel de la musique quand on lui a consacré toute une vie. En 2016, Burning Spear avait pourtant évoqué sa retraite et effectivement, il s’était tenu éloigné des scènes pendant de nombreuses années. Mais en 2022, à 77 ans, il repart en tournée et prévient : « ces spectacles vont être incroyables parce que les gens ne m'ont pas vu depuis un moment et cela signifie que nous allons avoir une force d'énergie plus forte sur place ».