Si l’élégance à l’anglaise devait choisir son égérie, Bryan Ferry aurait toutes les chances d’être l’heureux élu. Car le pionnier du glam rock, ancien leader de Roxy Music, a toujours eu un don pour dessiner une musique charmeuse et intemporelle.
Coller une étiquette à Bryan Ferry est toujours un exercice délicat. Est-il un dandy du rock, une icône de la pop postmoderniste ou un crooner qui ose parfois, quand le cœur lui chante, s’aventurer sur les terres d’un jazz qu’il aime tant ? La complexité du personnage, perfectionniste dans l’âme, tendrait à cocher les trois cases, tant sa carrière l’a amené à côtoyer des palettes de couleurs différentes, et pourtant si complémentaires.
Car le musicien londonien, élève de Richard Hamilton à l’époque où son seul rêve était de devenir peintre, aime tenter des choses, parfois au bord de l’improbable, mais toujours avec charisme et finesse. Dans la lignée de la déferlante Roxy Music, où il devint précurseur d’un rock subtil au sommet du sex appeal, Bryan Ferry aime ouvrir de nouveaux horizons. Sous son smoking de gendre idéal, ce romantique à la créativité d’or, à la plume exigeante et à la voix légèrement éraillée est effectivement, d’une certaine manière, devenu un kaléidoscope d’influences, allant jusqu’à assumer sans crainte son amour indéfectible pour Louis Armstrong et Duke Elligton.
Ainsi, l’artiste britannique, fils d’humbles agriculteurs, a gravi les échelons tel l’alpiniste qu’il rêvait d’être enfant. D’en haut, il porte alors des sonorités intimistes, des mélodies sophistiquées et de beaux mots pour raconter les amours naissants et les amours perdus. Il compose ses propres aventures et s’amuse même à reprendre les plus belles chansons de ses idoles. Et surtout, puisque l’élégance lui va comme un costume noir, il explore l’esprit bohème avec un charme fou et des solistes d’exception, dont font parfois partie ses amis David Gilmour, Jonny Greenwood ou Phil Manzanera.
Comment réagir face à ce jeune groupe au look singulier, à l’univers original et aux sonorités suaves, qui tranche avec l’esprit Sex, Drugs and Rock’n’Roll ? La réponse ne va pas se faire longtemps attendre : dès la sortie du premier disque, le groupe marque les esprits et le public est au rendez-vous. Beaucoup considéreront alors ces kids anglais comme des pionniers du glam rock, aux côtés de l’illustre David Bowie. « Les autres groupes voulaient détruire des chambres d’hôtel, Roxy Music voulait les redécorer », s’amusera plus tard Bryan Ferry.
Si Bryan Ferry est aujourd’hui une légende, c’est bien entendu pour son rôle de leader dans le groupe Roxy Music, mais surtout pour sa carrière prolifique en solo. Et autant dire que le dandy de Londres n’a pas attendu bien longtemps avant de signer son premier album en son nom, avec These Foolish Things. À cette occasion, il reprend des chansons des fifties et des sixties, dont A Hard Rain's a-Gonna Fall de Bob Dylan. Dans le même temps, Roxy Music figure en tête des charts avec l’album Stranded !
Au sommet de sa gloire, avec la sortie récente de l’excellent album Avalon, les membres de Roxy Music décident de mettre définitivement fin à la fabuleuse aventure, Bryan Ferry préférant privilégier sa carrière solo. Cette fois, c’est sûr : aucune chance de revoir Roxy Music en studio. Les fans sont sous le choc !
Trois ans plus tard, l’artiste anglais présente l’album Boys and Girls, sur lequel il collaborera avec des pointures, comme David Gilmour ou Nile Rodgers. Il surprend alors, avec une première place dans les charts britanniques. Son single Slave to Love ne laisse personne indifférent et permet au crooner de gagner une notoriété qu’il entretiendra avec brio au fil des décennies suivantes.
Il existe un temps pour jouer aux fauves sur les scènes britanniques, puis un autre, celui de l’introspection. Avec Avonmore, magnifique album salué par la critique, Bryan Ferry tire son autoportrait à travers de nouvelles compositions à l’élégance certaine et s’amuse même à reprendre l’excellent Johnny and Mary de Robert Palmer. Les Inrocks écriront : « comme Bowie, Bryan Ferry semble soudain rattrapé par son instinct, et le désir de finir l’histoire en beauté, avec des chansons langoureuses, un son méticuleux, une voix plus suave que jamais ».