Il y a des groupes qui démarrent au quart de tour et il y a ceux qui prennent leur temps. Big Big Train, malgré son nom imposant, fait partie de cette seconde catégorie. Mais une fois en marche, la locomotive a avancé, lentement, mais sûrement, sur les rails d’une reconnaissance mondiale. Et à force d’un travail acharné, couplé aux talents bruts de ses machinistes, la formation a acquis une place de choix dans le petit monde du rock alternatif.
Si la composition du groupe a changé au cours des années, la musicalité et l’envie, elles, sont restées. D’ailleurs chez Big Big Train, les arrivées et les départs se font toujours avec continuité et sans excès, loin du fracas que semblent cultiver d’autres rock-stars. Dans la droite lignée de Genesis ou de Van Der Graaf Generator, les anglais, bientôt rejoints par des musiciens des quatre coins du globe, n’hésitent pas à transcender les genres, sans oublier leurs racines. Et ça donne un rock progressif légèrement théâtral, aux nuances de folk marquées.
Mais surtout, ça donne des histoires dignes des meilleurs conteurs, des équilibres subtils entre le chant, les solos et les breaks. Les pauses sont autant de respirations contemplatives, les refrains nous plongent au cœur de leur univers quand les démonstrations techniques, mais jamais gratuites, rendent le récit un brin épique. Avec leur touche celtique, on se retrouve embarqué dans les vieilles terres d’Écosse à la recherche de l’aventure, plongé dans la brume et côtoyant un lac où, peut-être, un monstre se cache.
Et si cet énorme train a mis longtemps à sortir du confort des studios, depuis quelques années, il renoue avec une scène qu’il avait jusque-là délaissée. Sur les planches, la démonstration est faite en toute humilité et embarque un public complètement captivé dans des aventures où la joie et la mélancolie se mêlent dans une apothéose toujours grandiose.
Même si la configuration du groupe a changé au fil des paysages, c’est Andy Poole à la basse et Gregory Spawton à la guitare qui ont fondé Big Big Train au début des années 90. Un nom en référence à celui d’un groupe de punk de Birmingham. Pendant deux décennies, ils vont travailler d’arrache-pied pour lancer leur train, récoltant les éloges des critiques mais peinant à percer complètement alors que les grandes heures de Genesis ou de Peter Gabriel sont déjà passées.
Cependant, rien n’arrête la locomotive et à force de persévérance, Big Big Train se fait un nom sur la scène internationale. En 2009, ils sont rejoints par le chanteur et multi-instrumentaliste David Lingdon qui va ajuster les aiguillages et co-écrire les prochains titres. En décembre sort The Underfall Yard, un album encensé par la critique. Sa chanson-titre de 23 minutes sera présentée comme chanson du jour par Classic Rock. Big Big Train, cette fois, est sur de bons rails et en 2013, ils remportent le prix Breakthrough Act aux Progressive Music Awards.
Tout roule désormais pour le train infernal, mais une chose manque encore à leur répertoire, et pas des moindres. Pendant tout ce temps, la locomotive a avancé seule et sans passagers. Des albums studios détonants, des histoires savamment racontées, un sens de la mélodie qui confère au génie, certes, mais une absence éclatante sur les scènes du monde entier. En 2015, enfin, Big Big Train décide de sortir de son long tunnel avec une série de concerts événements à Londres. Un carton plein et une expérience qu’ils renouvelleront, partant en tournée pour la première fois en 2019.
Cela aurait pu signer la fin du voyage pour Big Big Train. Après avoir vu leur tournée annulée pour cause de pandémie, Vincent Lingdon trouve la mort fin 2021. Mais la locomotive semble désormais inarrêtable. Avec respect et humilité, Alberto Bravin prend place derrière le micro pour faire perdurer le style inspirant et envoûtant de la formation qui ne se laisse pas abattre et honore sa tournée en 2022 et 2023.